mardi 12 février 2008

The Berkeley Voice

C'est le nom d'un canard (coin coin) local, et c'est accessoirement bien porte au vu des nouvelles de la semaine passee qu'il relate. Je m'explique.

Tout d'abord, une petite lecon d'histoire, pour remettre les choses dans leur contexte. Dans les annees 60, Berkeley a ete un des temples de la contestation ainsi que de la culture Hippie.
Cette derniere, s'etait exportee au dela du centre de San Francisco, et plus precisement du quartier de Haight-Ashbury, aussi appele "Hashbury", qui avait fini par sombrer dans la violence (c'est le probleme avec les Hippies : ils commencent par vous taper une glut (glutte ?) dans le frigo, et cinq minutes apres c'est le bazar).
Mais surtout, Berkeley est associee au "Free Speech Movement", un peu l'equivalent du Mai 68 de chez nous. La contestation s'est etendue sur toute l'annee universitaire 64-65, avec au centre des revendications le desir des etudiants de faire lever une regle interne a l'universite leur interdisant de mener toute action politique sur le campus (et meme un petit peu autour), et le droit au "Free Speech". Sit-in, manifestations, arrestations en masse (800 etudiants d'un coup le 3 decembre 1964), tout y est passe. Le president de l'universite finit par lacher du lest, et leur accorder le droit a l'action politique sur un endroit bien precis du campus, les marches du "Sproul Hall", autorisant meme d'installer des tables pour poser des tracts, des affiches, faire signer des petitions... Aujourd'hui encore, il y a une animation incroyable tous les midis autour de ces marches, avec de nombreuses associations de tout bord qui tentent d'haranguer la masse d'etudiants qui rejoignent "Telegraph Avenue", ou l'on trouve... les petits restos du midi ;-) Comme quoi c'est bien fait.
Globalement, ca s'est quand meme bien assagi depuis les annees 60, mais la ville reste bien ancree a gauche. D'ailleurs, c'est ici qu'on trouvera des 1965 un des points de depart majeurs du mouvement contre la guerre du VietNam.

Ce qui me permet de conclure le chapitre historique pour faire une transition toute naturelle vers l'actualite.

Premiere etape : debut 2007, le bureau de recrutement de l'armee americaine demenage d'Oakland, ville voisine, a Berkeley, pour etre plus proche de l'universite (et accessoirement des etudiants...).

Deuxieme etape : septembre 2007, un groupe s'appelant "Code Pink: Women for Peace" commence a manisfester devant ledit bureau. Initialement lance par des femmes, le mouvement rassemble aujourd'hui hommes et femmes, et souhaite, pour faire simple, arreter la guerre en Irak ainsi que les autres a venir (sic), et rediriger les ressources vers l'education, la sante, et l'enrichissement de la vie (re-sic).

Bon, c'est maintenant que ca commence a etre croustillant.

Troisieme etape : le 29 janvier, le conseil municipal vote deux arrets :
  • le premier, c'est de lever le besoin d'un "permis-de-faire-du-bruit" pour les gens de Code Pink, afin qu'ils puissent utiliser des hauts-parleurs pour mieux se faire entendre. Et puis aussi de leur accorder des parkings gratuits pour qu'ils aient de la place pour s'installer (ce qui, soit dit en passant, a provoque l'ire des commercants locaux, qui eux aussi aimeraient bien avoir leur places de parkings privees, et gratuites).
  • le second, c'est l'envoi d'une lettre officielle aux militaires locaux pour leur dire qu'ils sont des "intrus inopportuns" et qu'ils "ne sont pas les bienvenus". Voila, ca, c'est dit. Ca a le merite d'etre clair.
Derniere etape en date, celle relatee par l'exemplaire du "Berkeley Voice" que je tiens entre les pattes, date du 8 Fevrier (je sais, je suis un poil a la bourre, mais que voulez vous, c'est tout le probleme d'etre journaliste-historien non professionnel). C'est titre (premiere de couverture) "Vote on Marines could cost Berkeley". Le vote sur les "Marines" pourrait couter cher a Berkeley. Voui. Parce que 6 senateurs republicains (droite) ont introduit une loi visant a supprimer 2.3 millions de dollars de subvensions versees a la ville. Parce que "Berkeley doit apprendre que ses actions ont des consequences", dixit ces messieurs les senateurs. La ou ca devient ironique (au 18eme degre), c'est lorsqu'on regarde a quoi etaient destines ces fonds : programme de cantine "saine" pour les ecoles locales, fondations pour les handicapes, ferry San Francisco - Berkeley, systemes de communication pour la police et les pompiers, aide a la publication d'un journal historico-politique.

Inutile de preciser que le journal prend ouvertement parti... je vous laisse deviner pour qui (pas de cookie a gagner cette fois non plus, c'est trop facile).

On en est la. La situation embete un peu tout le monde. La mairie tout d'abord, bien evidemment, qui considere la question de re-voter l'arret concernant la lettre envoyee aux militaires, histoire de l'annuler. Code Pink (et d'autres) hurlent au scandale et promettent de continuer leur action. Ceci dit, ironie du sort (ou perversite averee, c'est selon), le resultat de leurs actions a pour l'instant ete exactement l'inverse de l'effet voulu (coupure des fonds pour l'education et la sante publique). Les militaires eux, disent, que "meme si l'on ne peut pas predire le futur" (ah bon ?), ils ne voient pas pourquoi ils partiraient. Le comportement de Code Pink et de la mairie ne fait pas l'unanimite (surtout chez les commercants ;-), mais les gens sont ici resolument hostiles a la guerre en Irak (ce qui explique pourquoi une large majorite des Berkeleyiens ont vote Obama plutot que Clinton lors des primaires democrates. Cette chere Hillary reste en effet assez vague sur ses intentions sur ce sujet, alors qu'Obama s'est tres clairement positionne en faveur d'un retrait rapide). Ca me fait l'impression d'un pays bourre de contradictions, mais que ca n'a pas l'air de gener plus que ca. Impression a confirmer ou a infirmer par la suite.

Voila voila, mes investigations et reflexions s'arretent la pour aujourd'hui. Je vous donnerai le fin mot de l'histoire -si fin mot il y a- lorsque la Voix de Berkeley me l'apprendra.

Et puis pour conclure, quelques nouvelles perso en quelques mots : apres une semaine de lecture intensive au labo, j'ai fini par depiler le gros tas de papiers qui m'attendait. Plus que deux bouquins et quelques bricoles a lire, et je pourrai peut etre attaquer le "vrai" boulot. Premier entrainement natation avec mon tout nouveau club de triathlon il y a quelques heures (vendredi soir), ca fait du bien de nager de nouveau apres presque 3 semaines d'arret ! Ce we, petite balade prevue avec mes colocs et des amis a eux, normalement vous aurez droit a quelques photos (si vous etes sages).

Bises a tous, vous me manquez
Rodolphe

P.S : Bravo a ceux qui sont arrives jusqu'au bout. Finalement, vous meritez tous un cookie ;-)

3 commentaires:

Anonyme a dit…

I want a cookie !
I sent the first "commentaire" so I want a CHOCOLATE cookie :)
En plus, j'ai (presque) tout compris à tes explications politiques, ca mérite bien quelques calories ;)
Ca a l'air rigolo là bas dis moi, j'espère qu'ils sont aussi drôles en Floride (mes chances de partir ont augmenté : 50 % maintenant)
BYE BYE

Anonyme a dit…

L'anonyme c'est ta soeur qui a deja oublié son mot de passe apparemment

Anonyme a dit…

Merci pour toutes ces explications très intéressantes.
Tu vas connaitre l'ambiance spéciale des élections dans ce pays, je me souviens de celles de Clinton (1er mandat). Les discussions chez nos amis américains , Joan et Joe au fait tu les connais non? étaient très animées.
Ici aussi on discute politique, les sujets ne manquent pas.
Et même à la maison, discussion car on en est au choix final pour le 1er voeux qui est Montaigne PCSI-SI ou Eiffel PCSI-SI. Qu'en pense le grand cousin?

Sinon moi aussi je fais du triathlon...euh je veux dire 3 fois par semaine en alternance aquagym ou aquapalmes ou aquabuilding..presque pareil non, mais avec en plus la récompense des bulles à la fin.
Bon dimanche , groses bises.